1. Introduction

Le cancer est devenu aujourd’hui une priorité nationale de Santé Publique. Malgré des avancées incontestables dans le diagnostic et le traitement de cette affection depuis quelques années, il persiste des difficultés à traiter certains patients, en particulier quand la maladie se propage à distance par métastases ou lorsque apparaissent des cellules résistantes au traitement. Ces situations cliniques représentent un véritable défi pour la Médecine clinique et fondamentale. Pour proposer des solutions, la Recherche doit disposer d’outils performants. Et c’est dans cette optique, que l’utilisation de modèles expérimentaux d’origine animale devrait occuper une place de plus en plus importante dans la stratégie de développement de nouveaux traitements. Pour pouvoir être utilisés et utilisables, ces modèles animaux doivent être les plus proches des situations observées en clinique humaine. Une des préoccupations majeures des équipes qui travaillent en cancérologie expérimentale est la mise au point de modèles animaux robustes et fiables qui reproduisent fidèlement les maladies humaines. Ces modèles expérimentaux sont surtout développés sur des espèces animales faciles à reproduire et à étudier comme les souris et les rats. Pour étudier l’impact de nouvelles molécules à tester, le suivi traditionnel de ces animaux s’effectue par surveillance des groupes témoins et des groupes traités à l’aide de moyens éprouvés que sont la mesure du poids, le volume de la tumeur et la survie des individus. Ces moyens cliniques simples ne sont pas toujours assez précis et sont parfois limités pour juger de l’évolution de la maladie ou pour détecter la survenue de métastases. La preuve de la dissémination de la maladie, objectivée par l’analyse macroscopique et microscopique des organes cibles, impose le sacrifice des animaux. Pour diminuer le nombre d’animaux à sacrifier, et surtout pour se rapprocher des pratiques médicales et des situations cliniques, il pourrait être intéressant de tester et d’optimiser des techniques non invasives de suivi des malades témoins ou traités. C’est dans cette problématique, que nous avons voulu savoir si certaines techniques de Médecine Nucléaires ne pouvaient pas être adaptées à l’oncologie expérimentale.

En effet, la médecine nucléaire a beaucoup progressé ces dernières années. Cette discipline permet d’explorer la fonctionnalité d’un organe après administration d’une molécule marquée et non simplement son intégrité anatomique. Les images obtenues permettent en particulier de suivre dans le temps le devenir du traceur dans l’organisme et de quantifier sa répartition. Cette imagerie fonctionnelle isotopique ou scintigraphie est bien sûr complémentaire des techniques d’imagerie de radiodiagnostic morphologiques classiques car elle apporte des renseignements souvent ignorés par les études anatomiques.

D’un point de vue historique, c’est en 1954 aux Etats-Unis que Anger met au point la première gamma caméra constituée d’un détecteur de rayons gamma couplé à un système d’amplification et de localisation du signal. Après un demi-siècle d’évolution, une deuxième révolution technologique bouleverse le milieu de la Médecine Nucléaire avec l’apparition, en routine clinique, des caméras de détection de positon (TEP), et de la diffusion moins confidentielle de traceurs émetteurs de positons à distance de trop rares sites de productions. A la fin des années 90, l’imagerie d’émission de positon ne reste plus cantonnée dans les centres de recherche et se «démocratise», mais pas très rapidement en France, où quelques sites cliniques seulement sont équipés de caméras TEP dédiées. Certaines gamma caméras conventionnelles sont alors modifiées pour pouvoir détecter les coïncidences produites par l’annihilation des positons. La TEDC (tomographie d’émission par détection de coïncidences) représente une alternative intéressante aux caméras TEP avec un coût d’achat moindre, mais des performances (en résolution et en sensibilité) inférieures. Ainsi à Limoges dès 1999, nous avons pu avoir accès à la technique de l’imagerie d’émission de positon par l’acquisition d’une caméra à scintillation à deux têtes équipée d’un circuit de détection des coïncidences (TEDC).

L’apport de l’imagerie de positon en particulier avec l’administration de FDG est indiscutable et même incontournable dans les domaines de l’onco-hématologie adulte et pédiatrique et ceci même avec une caméra TEDC. Au cours de ces 5 années d’activité clinique intensive sur notre machine TEDC avec plus de 4 500 examens d’oncologie réalisés en routine, un certain nombre de questions nous ont été posées. En particulier, nous avons voulu savoir si l’utilisation de l’imagerie au FDG avec une TEDC pouvait avoir un intérêt en oncologie expérimentale. Cette activité a été initiée en étroite collaboration avec d’autres collègues du CHU au sein d’une Equipe Accueil (EA 3839 : Médecine Moléculaire Humaine). D’un point du vue chronologique, le premier défi a été de savoir si les techniques isotopiques pouvaient confirmer la prise de greffe d’ostéosarcomes implantés expérimentalement et d’en préciser l’évolution. Avec l’expérience initiale de la TEDC/FDG sur des rats âgés de seulement 15 jours (et de moins de 60 g) sont apparues les premières images encourageantes mais aussi les premières limites de la méthode. Pour pouvoir progresser dans ce domaine, nous avons voulu étudier les différents aspects techniques et pratiques qui pouvaient influencer cette méthode d’imagerie fonctionnelle. En pratique il fallait donc se demander quels étaient les paramètres physiques et biologiques accessibles et modifiables pour optimiser la scintigraphie au FDG en particulier avec une machine TEDC ?

C’est notre cheminement méthodologique et les résultats que nous avons obtenus dans ce domaine particulier qui sont présentés dans cette thèse. Dans la première partie de ce travail, nous rappellerons l’état de l’art des techniques de détection des rayonnements de coïncidences, de la conception des détecteurs, aux modes d’acquisition, en passant par les limites physiques de la détection et des méthodes de corrections. Après l’aspect technologique, nous aborderons le domaine physiopathologique avec les différents traceurs isotopiques utilisés en oncologie, les procédures d’acquisition des examens scintigraphiques et les méthodes de quantification de la fixation radioactive. Avant d’aborder la partie expérimentale, nous verrons les principes spécifiques et les limites de fonctionnement d’une caméra TEDC et comment optimiser la machine et les techniques d’imagerie au FDG pour obtenir des résultats performants dans des conditions habituelles en clinique humaine.

Dans la deuxième partie, et à la lumière de notre expérience clinique, nous présenterons les adaptations et l’optimisation de la technique TEDC que nous avons été amenées à proposer pour l’exploration animale. Sachant que l’imagerie fonctionnelle en médecine nucléaire repose sur la détection du signal émis par un traceur radioactif injecté dans l’organisme, nous détaillerons les techniques d’optimisation des paramètres physiques (intéressant la caméra et la détection du signal) et les techniques d’optimisation des paramètres biologiques (dépendant des animaux). Nous présenterons aussi les différents modèles expérimentaux parfois originaux que nous avons utilisés. Nous étudierons les différents aspects techniques de l’imagerie FDG en TEDC et ses limites physiques. Existe-t-il une méthode de quantification de la fixation tumorale reproductible et fiable en TEDC ? Peut-on faire des acquisitions dynamiques pour détecter une variation de la fixation tumorale en fonction du délai entre l’injection et l’acquisition ? Et si c’est le cas, ces variations de captation sont-elles retrouvées in vitro et pour différentes lignées cellulaires ? Existe-t-il des comportements cellulaires différents entre des lignées cellulaires tumorales et non tumorales pouvant aboutir à des pratiques spécifiques permettant de différencier des processus tumoraux des phénomènes inflammatoires ? Quel est l’impact des études scintigraphiques au FDG dans la connaissance des modèles animaux tumoraux en particulier dans l’étude de la croissance tumorale, de la détection de métastases ou du rejet de la greffe ? Pour permettre son utilisation dans le suivi thérapeutique, la scintigraphie au FDG est-elle capable de détecter des variations fonctionnelles rapides ? Et finalement, quel est l’apport réel de l’imagerie au FDG par TEDC dans le suivi thérapeutique des modèles expérimentaux après administration de traitements innovants ?

Dans la troisième et dernière partie de cette thèse, nous discuterons les différents points abordés et les résultats obtenus dans la partie expérimentale. Nous essayerons de souligner les avantages et les inconvénients de cette méthode d’imagerie dans le suivi des petits animaux en particulier par rapport aux autres méthodes concurrentes. Enfin nous conclurons, en plaçant, cette méthode dans les applications potentielles futures et dans la perspective de collaboration et de développement avec les équipes de recherche en oncologie expérimentale.